S’il y a déjà lieu de s’inquiéter de l’arrivée des super-pétroliers dans le Fleuve Saint-Laurent en raison des risques d’accidents et déversements, il y a aussi une autre raison majeure pour laquelle ces navires géants ne sont pas une bonne idée: ils émettent des quantités énormes de GES (gaz à effet de serre) dans l’atmosphère sans en être trop inquiétés. Suite à la lecture d’un rapport de la compagnie Det Norska Veritas (DNV) qui a compilé le total des émissions, l’expert en questions environnementales Göran Värmby, explique le problème.
”Le pétrole brut qui s’échappe des pétroliers – un énorme problème environnemental”

« Le tonnage du super pétrolier Mesdar aux couleurs du Libéria est de 315 802 tonnes métriques. Il s’agit du prochain type de super-pétroliers (entre 200 000 et 320 000 tonnes), appelé VLCC[1]. Photo: Stefan Hofecker / Alamy
DÉBAT. Les plus grands super-pétroliers du monde laissent échapper des quantités énormes de COV (composés organiques volatiles sous forme d’hydrocarbures gazeux) du pétrole brut qu’ils transportent. Les émissions de cinq millions de tonnes correspondent presque au total des émissions terrestres des pays de l’Union européenne, écrit Göran Värmby.
« L’évaporation des émissions des hydrocarbures des super-pétroliers qui transportent en vrac le pétrole brut vers diverses raffineries dans le monde constitue un scandale environnemental énorme. Aucune instance décisionnelle, que celle-ci soit politique, industrielle ou gouvernementale ne se soucie d’essayer de faire cesser ces émissions des transporteurs de l’industrie pétrolière.
Le pétrole brut est préservé dans de grands réservoirs sur les pétroliers. Ces réservoirs sont connectés à l’air ambiant afin d’éviter la surpression. Lorsque la température d’un hydrocarbure dépasse le point d’ébullition, on laisse échapper celui-ci en grande quantité dans le système de ventilation. C’est le cas par exemple du méthane, l’hydrocarbure le plus volatile qui est présent dans le pétrole brut et dont l’effet comme gaz à effet de serre est 24 fois plus important que le CO2. Même l’éthane, le propane et le butane s’évaporent facilement, avec un taux d’ébullition sous 0 degré Celsius.
Il y a davantage d’évaporation dans les mers chaudes près de l’équateur, où se trouve une grande partie de ces transporteurs. Mais les émissions les importantes se produisent lorsque le pétrole brut est pompé vers les pétroliers.
Dans le monde, on retrouve environ 500 de ces super-pétroliers qui sont responsables de ce transport du pétrole brut. Dans un rapport de 2010, la plus grande firme de consultants en navigation maritime en eaux intérieures et extérieures au monde, DNV (Det Norske Veritas), a calculé que ces navires émettent presque autant d’hydrocarbures, par évaporation, que toutes les sources d’émissions terrestres de l’Union européenne. Les émissions dues au transport, à l’industrie, à la consommation, à l’énergie et aux secteurs manufacturier et municipal atteignent 7 millions de tonnes/an, alors que les émissions liées à ces super-pétroliers atteignent 5 millions de tonnes/an.
Que ce soit l’OMI (organisation maritime internationale, une section de l’ONU), la Commission européenne ou les autorités maritimes responsables de ces questions, Göran Värmby ne comprend pas pourquoi les autorités réglementaires et le monde politique n’ont pas sonné l’alerte. Faut-il remettre en doute le professionnalisme des gens ? N’y a-t-il personne – hormis les experts chez DNV – qui sont au courant de ces faits?
Il est connu que les autorités et entreprises en milieu terrestre, que ce soit les ports pétroliers et les raffineries, s’affairent à diminuer les émissions liées aux hydrocarbures qui s’évaporent lors du transfert dans les citernes et aux quais de chargement des camions-citernes. Dans cette industrie, tout le monde est bien conscient que le pétrole brut contient une grande partie d’hydrocarbures très volatiles mais précieux également. C’est pourquoi l’on tente d’éviter la perte de ceux-ci… Ces technologies de récupération existent déjà et sont bien connues des intervenants du milieu. »
Göran Värmby, consultant en développement durable, ex-responsable des questions environnementales, ville de Göteborg.
[1] Very Large Crude Carrier, ce que sont les super-pétroliers.
Traduction libre d’un extrait de l’article en suédois :
”Råolja som dunstar från tankfartyg – ett gigantiskt miljöproblem” – NyTeknik 14-11-23 10:07
Source: http://www.nyteknik.se/asikter/debatt/article3861055.ece